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Le spectacle « Tout le monde s’appelle Martine »

En 2004, le Projet-Quartier du Théâtre Les Tanneurs coordonné par Patricia Balletti, est confié à la Compagnie Théâtre… à suivre… c’est-à-dire Luc Fonteyn, Nathalie Rjewsky, Muriel Clairembourg et moi-même. « Projet-Quartier » ? Quelques mots d’explication.

En 2002, le Théâtre Les Tanneurs a commencé à proposer des Projets-Quartier avec la volonté de créer des rencontres « entre des amateurs désireux d’explorer leur créativité, des artistes intéressés par un tel processus et un public curieux de découvrir ce travail ».

Pour le Projet-Quartier de 2004, ont été prévus une année d’ateliers et la présentation d’un spectacle de théâtre. En janvier, une vingtaine de participant·e·s de tous âges, habitant·e·s ou habitué·e·s du quartier des Marolles, ont répondu à la proposition. Il n’y a pas de thème défini au départ, l’idée étant que celui-ci émerge au cours du processus de travail.

La création du texte

Le jour où le sujet « Martine » est arrivé sur le tapis, un vif débat s’est engagé. Tout a commencé par le souvenir d’une participante : « Quand j’étais petite, j’étais fascinée par Martine. Je trouvais qu’il y avait une ressemblance physique incroyable entre elle et moi. Je rêvais d’être danseuse et je m’entraînais toute seule à partir des dessins de l’album Martine petit rat de l’opéra. Elle était mon modèle. J’aurais aimé être écoutée et protégée comme elle. » S’ensuit une discussion très animée, avec des points de vue tranchés. Sur l’univers de Martine. Sur l’éducation. Sur l’influence de la télévision. Sur la lecture. Sur le rôle des parents. Sur la nécessité de protéger les enfants de la réalité. Sur la nécessité de préparer les enfants à la réalité. Quels étaient nos rêves d’enfants ? À quoi rêvent les enfants aujourd’hui ? Quelle pourrait être la vie adulte de Martine ? Qu’aurait-on envie de dire à Martine ?

Ce foisonnement fait surgir une décision : le thème « Martine » est adopté ! Tout d’abord, il s’agit de bien nous informer sur son monde. Pour ce faire, le samedi suivant, nous choisissons la méthode intensive : quatre albums de Martine sont lus à voix haute successivement. Martine et les quatre saisons, Martine à l’école, Martine petit rat de l’opéra et Martine en voyage. Sans une pause, sans un mot de commentaire. Les impressions, les réactions sont récoltées par écrit.

D’autres ateliers d’écriture suivront. On y invente de nouveaux titres d’albums de Martine, de nouvelles histoires dans son univers et dans le nôtre, tantôt par groupes, tantôt individuellement. On y prend aussi le temps de parler, de réfléchir ensemble. Qu’est-ce qui caractérise le monde de Martine ? Pourquoi il nous dégoûte ou nous fascine ? En allant au-delà des clichés, au-delà des premières impressions, on prend le temps de s’interroger sur ce « monde idéal ». Et sur les liens qu’il entretient avec la réalité. Ou plutôt, avec la réalité de chacun·e de nous.

On dirait le monde d’une princesse enfermée où il n’y a pas de place pour le malheur.

C’est un monde sans peur, sans angoisse. Chacun a sa fonction. Il n’y a pas de chômage, on ne parle même pas de l’argent dans ce monde merveilleux.

Martine me donne envie de retourner dans l’enfance, de tout recommencer et d’orienter mon enfance en fonction de mes rêves d’adulte.

Il m’écœure son univers, c’est mièvre, dégoulinant de confort, de luxe, de supériorité, de schémas débiles sur le rôle des femmes dans la société.

Pour les filles des familles bourgeoises ça va, parce qu’on ne voit que le merveilleux de la vie. Il faut aussi montrer la réalité aux enfants.

Le papa de Martine est idéal. Sa maman est d’une gentillesse à vomir. Et elle, elle est beaucoup trop avancée pour son âge !

J’aime bien ses aventures, je pense que c’est moi-même qui suis dans l’histoire. Je voudrais être comme elle.

Mon premier sentiment : c’est trop injuste ! Elle a trop de chance, trop de talent ! Elle me frustre. Parfois, j’ai envie de la buter.

Moralité, mœurs bourgeoises, valeurs judéo-chrétiennes : Martine est complètement manipulée.

J’ai cru à ce monde-là. Il est bien difficile de s’adapter à la cruelle réalité quand Martine vous a éduqué.


J’aime ces livres car dans les moments de déprime, ils m’emmènent dans un monde onirique, utopique.

Dès le début, les points de vue sur l’univers de Martine sont très variés et nous avons souhaité garder cette diversité au cœur même du spectacle.

Le spectacle Tout le monde s’appelle Martine

Écrire un spectacle c’est non seulement réaliser des textes, mais c’est aussi improviser, interpréter, bouger dans l’espace, chanter, danser. C’est créer une scénographie, des lumières, des sons… Tou·te·s les participant·e·s comme toute l’équipe qui les a encadré·e·s, toutes les personnes impliquées dans la réalisation du projet ont participé à l’écriture de Tout le monde s’appelle Martine.

Ceci étant précisé, en ce qui concerne le texte proprement dit du spectacle, il serait plus juste de parler des textes car il s’agissait d’un ensemble de textes. Une part de ceux-ci est née dans les ateliers d’écriture.

L’autre part, je l’ai écrite à partir des propositions des participant·e·s. Propositions écrites, improvisations, éléments de discussion, matières que j’ai glanées en écoutant les échanges et que j’ai ensuite développées.

Pour moi, le théâtre doit naître de notre environnement, du quotidien, du réel… De là, il rêve et invente des phrases remplies de mots, de gestes, de musique… Et si sa magie opère, le théâtre nous emmène tous, acteurs et spectateurs, au creux de nous-mêmes, là où surgissent la sensation profonde du vivant et des questions qui nous occupent.
Luc Fonteyn

D’abord, il y a des gens et le théâtre comme outil de rencontre. Pas d’idée préconçue. Finalement, il y a un spectacle à partager avec le public. (…) Nous avons rêvé ensemble que Martine pouvait aussi raconter nos peurs, nos doutes, nos colères, notre plaisir d’être ensemble, notre rage d’exister, nos certitudes fragiles, nos envies de douceur et de sérénité, nos quêtes singulières ou communes. Notre humanité, en quelque sorte…
Nathalie Rjewsky

Voilà une vingtaine de personnes qui nous mettent entre les mains leur désir de faire du théâtre. Ils nous parlent de s’évader, de découvrir un autre soi-même, d’apprendre, de rencontrer les autres… Les uns rêvent de paillettes, les autres de parler de la « vraie vie ». À nous de leur faire sentir que tout est en eux pour le réinventer, ce Théâtre. Que leur corps, leur voix, leur imaginaire, leurs peurs aussi, vont le faire naître. Et nous, comme eux, nous mettons en jeu les personnes que nous sommes.
Muriel Clairembourg

Presse écrite
Le Soir
Julien Broquet
Catherine Makereel

Le Vif/L’Express
Michèle Friche

La Libre Belgique
C.T.
Marie Baudet

Presse web
educationsante.be, Patrica Thiébaut
lesoir.be, Julien Broquet